Texte 12 - proposition de traduction, groupe N. Pinet

Michio Shūsuke [道尾秀介], Kasasagitachi no shiki [カササギたちの四季, Les Quatre Saisons des pies], Tokyo, Kōbunsha [光文社], coll. « Kōbunsha bunko » [光文社文庫], [2011] 2014, p. 7-8.

Printemps – Le pont des pies

I

En sortant de la camionnette, je discernais l’odeur aigre-douce des daphnés qui avaient fleuri dans un coin du parking. C’était un lundi après-midi très ensoleillé, trois heures. Depuis une semaine, des journées très froides s’étaient succédées, mais aujourd’hui, il faisait agréablement chaud. L’air était pur, les oiseaux gazouillaient au sommet des arbres, une petite brise soufflait et dans mon portefeuille, il n’y avait plus d’argent.

« Quel sale yakuza, ce moine… »

Je me retournai vers l’arrière de la camionnette et soupirai à nouveau.

À l’arrière de la camionnette se trouvait une commode en bois de paulownia, arrimée par une corde. Le supérieur du temple d’Ōbō, situé à 30 minutes en voiture du magasin, venait de me forcer la main pour l’acheter. Sur la façade, de petites éraflures étaient visibles et subsistaient aussi des traces des autocollants apposés par des enfants de sa famille ; à l’arrière, des moisissures blanches, comme un paysage de neige, avaient fini par se développer – tout cela n’en faisait pas un objet que d’autres gens pourraient avoir envie d’utiliser à nouveau. Il était clair que le supérieur du temple m’avait appelé parce qu’il se répugnait à la jeter comme objet encombrant, ce qui lui aurait coûté du temps et de l’argent.

– Je ne peux pas vous racheter un meuble dans cet état.

Je le lui dis d’un ton aussi tranquille que possible mais le supérieur du temple, qui avait la tête d’un méchant de catch, me répondit énervé : « On rachète tout », faisant référence à l’une des phrases du tract publicitaire.

– Bon, je vous la rachète 500 yens, d’accord ?

Cette offre faite, il me fixa d’un œil mauvais en me citant cette fois une autre phrase du tract : « On rachète à bon prix et on vend pas cher ».